Quand Lara Micheli m’informa qu’elle souhaitait donner pour titre à son exposition personnelle le nom énigmatique d’Extrasystoles, je fus perplexe. Après avoir imaginé la référence à un groupe punk aussi mythique que confidentiel, pensé au nom d’une amphétamine ou d’un acide, je dus bien avouer mon ignorance.
Et puis quel rapport avec les photographies que nous avions choisies ensemble et qui, bien loin de porter la trace de dérives noctambules, ou l’expression d’expériences psychédéliques, célébraient un bonheur familial en apparence parfait ? Je demandais à Lara de m’éclairer, ce qu’elle fit en me renvoyant par mail les explications suivantes :
« Ce mot compliqué désigne une chose assez banale : une sorte de coup dans la poitrine provoqué par un double battement du cœur, après une pause trop longue. On n’en meurt pas, mais la sensation surprend.
L’attente d’un battement qui ne vient pas est une expérience curieuse que j’ai faite un été. Sans raison apparente, alors que le soleil brillait et que la vie était douce ; je ne voyais pas ce qui pouvait provoquer cette intermittence cardiaque. La peur que tout s’arrête justement à ce moment précis de bonheur tranquille ? Puisque tout ne tient qu’à un battement de cœur… Ce bégaiement révélait peut-être des angoisses plus profondes, ressurgies du passé. Cette série d’images prises au Polaroïd illustre les questions qui m’ont traversées à ce moment-là et me traversent encore, une envie de contempler et saisir la vie entre deux accélérations du pouls ».
C’est donc au filtre de cette anomalie (cardiaque), qu’il faut regarder les photographies de Lara, et ressentir ce qu’elles nous livrent.
Prises au Polaroid, ces images qui s’inscrivent dans la longue tradition de photographie de famille, semblent décliner des instantanés de bonheur. On y voit l’artiste, ses enfants, son conjoint ; la famille réduite à son expression nucléaire.
La lumière dorée, les surexpositions, les contours floutés, les ombres portées, renforcent ce sentiment élégiaque de temps suspendu. L’amour profond de la photographe pour son sujet est palpable et pourtant distancié du réel.
Lara Micheli maîtrise parfaitement les contraintes et les possibilités offertes par son appareil SX-70. Contraintes de lumières ou de cadrages, contraintes liées à l’impossibilité de retoucher les images, mais aussi aptitude à établir une connivence intime avec le modèle, et à piéger le spectateur dans un état de mélancolie intemporel. Une fois l’image prise, elle va la scanner et en faire des tirages à l’échelle qui lui semble juste, en conservant les imperfections.
Née le 8 avril 1990 à Genève, Lara entreprend des études d’Histoire de l’Art à Paris. Après l’obtention d’une licence et un stage au département Photographique d’Artcurial, elle poursuit sa formation en suivant l’enseignement en ligne de l’International Center of Photography de New-York (2017-2021).
Le Polaroid s’impose comme une révélation en 2014 lors d’une série d’images de mode qu’on lui commande.
Elle ne changera plus d’appareil et garde « cet outil » indispensable
que devient pour elle le SX-70 pour développer ses projets photographiques personnels. Ses images ont fait l’objet de plusieurs publications (Elle, Fisheye, Artsper, 1NSTANT, Mauer, Le Point…).
Principales expositions :
2022 : Kolga Festival (Tbilissi)
2021 : The Analog Club (Paris), Haute Photographie (Amsterdam)
2020 : Haze Galery Online (Berlin)
2019 : ISO 600, festival (Bologne)
EXPOSITION
Extrasystoles
INFOS PRATIQUES
Du 1er avril au 7 mai 2022
au Salon H
6/7 rue de Savoie 75006 Paris
Attachée de Presse
ag@alinagurdiel.com