Kometa

N°3 – Fabriquer l’oubli
05.06.24

Le Sénat de Rome effaçait les personnes de la mémoire collective en supprimant leur moindre trace, sur les statues, les monnaies, les monuments, les archives, les places. Cet opprobre avait un nom : la damnatio memoriae ou « condamnation à l’oubli ». Pour effacer de l’histoire les dirigeants déchus, l’Union soviétique et la Chine de Mao les faisaient disparaître grossièrement des photos officielles. « Qui contrôle le passé contrôle l’avenir, et qui contrôle le présent contrôle le passé », clame le Parti dans 1984 de George Orwell.  Aujourd’hui, le régime de Vladimir Poutine réécrit les programmes scolaires, rééduque les enfants, dissimule les traces de ses crimes, tord le réel. Le mensonge, c’est la vérité. Le mal, c’est le bien. La guerre, c’est la paix.

Manipuler le passé, travestir la mémoire, fabriquer l’oubli pour contrôler les esprits, est le propre des régimes autoritaires. Alors que 70 % de la population mondiale vit sous une dictature, les autrices et auteurs de Kometa racontent les mécanismes de cette fabrique. Et interroge notre propre rapport à l’oubli, comme dans le cas de la guerre d’Algérie. La mémoire, c’est la résistance. L’autrice tchétchène Milana Terloeva, l’une des passeuses d’histoire de ce numéro, écrit : « La mémoire vit tant que nous vivons.»

AU SOMMAIRE

 AIMER POUTINE EN 37 LEÇONS PAR IEGOR GRAN

Le nouveau manuel d’histoire pour classes de terminale, sorti à l’automne en Russie, glorife la période stalinienne et manipule le passé récent. Fils de dissident soviétique, l’écrivain français Iegor Gran s’est plongé avec stupeur dans cette petite bible du poutinisme qui formate en 37 chapitres les esprits des jeunes Russes.

LA SOEUR ET LE TUEUR PAR KSENIA BOLCHAKOVA

Où est-il ? Neuf mois que Katia Kholodnikova est sans nouvelles de son frère jumeau, Andriy, jeune soldat ukrainien parti combattre l’invasion russe. Jusqu’à ce texto venu du camp ennemi. Le début d’une incroyable correspondance entre victime et bourreau. En reportage à Kyiv pour l’agence Capa, la réalisatrice Ksenia Bolchakova est bouleversée par ce face-à-face, qui interroge le deuil et la soif de justice. Un récit exceptionnel.

LES OLIGARQUE ONT DISPARU PAR CHRISTOPHE BOLTANSKI

ÉPISODE #1 : Igor Setchine, l’ombre de Poutine

Ex-secrétaire de Vladimir Poutine et patron du plus grand groupe pétrolier de Russie, Igor Setchine voudrait passer pour un patriote intègre. Sa vie raconte tout le contraire. L’écrivain Christophe Boltanski est parti sur les traces de ce fidèle parmi les  fidèles. C’est le premier épisode d’une série sur la fin des oligarques en Russie.

LES MALHEURS DE SOFI PAR OLIVIER GUEZ

Sofi Oksanen, l’une des plus grandes autrices européennes, a longtemps détonné dans le paysage intellectuel  finlandais, pour ses dreadlocks multicolores, sa bisexualité, son féminisme et plus encore pour ses prises de position, hostiles à la Russie. L’écrivain Olivier Guez est allé à sa  rencontre, chez elle, à Helsinki.

LE DICTATEUR QUI COUPAIT DES RUBANS (POUR RIEN) PAR ELITZA GUEORGUIEVA

La romancière bulgare Elitza Gueorguieva se souvient des images de Todor Jivkov vues à la télé. Elle avait 7 ans quand l’autocrate, dinosaure de l’époque soviétique, est tombé. L’âge où on essaie de comprendre. Pour Kometa, l’autrice de Odyssée des filles de l’Est, raconte son pays, à la veille des élections qui devrait une nouvelle fois porter les populistes au pouvoir.

« L’OUBLI EST UNE FAÇON DE PROLONGER LE MAL » PAR VALÉRIE MANTEAU

Ancienne détenue des prisons turques, sociologue, militante féministe et antimilitariste, l’écrivaine franco-turque Pinar Selek raconte comment la violence masculine d’État participe à la construction du mensonge et du négationnisme en Turquie. “Le militarisme s’appuie sur la domination masculine. Sans féminisme, il n’y a pas de lutte efficace contre le fascisme.”L’écrivaine Valérie Manteau, autrice du roman Le Sillon (Prix Renaudot), l’a rencontrée.

 ARCHIVES INÉDITES : LES FEMMES OUBLIÉES DU GOULAG

On ne les a découverts qu’en 1992. Plus de six mille tirages issus du fonds secret de la police politique stalinienne, datant de la construction du canal de la mer Blanche, entre 1931 et 1933. De ces albums relatant jour après jour le premier grand chantier du Goulag, Anne Brunswic tire des images de prisonnières, des femmes du peuple ordinaires, grandes oubliées de l’histoire des répressions staliniennes.

FAUT-IL OUBLIER ?

Entretien avec Francis Eustache, neuropsychologue, spécialisé́ dans l’étude de la mémoire et de ses troubles. Directeur d’études à l’École pratique des hautes études, président du conseil scientifique de l’observatoire B2V des mémoires, il a été l’un des premiers chercheurs à comprendre l’intérêt des techniques d’imagerie cérébrale pour l’étude du fonctionnement cognitif humain. Il dirige depuis 2016 le programme Remember, une expérience sur douze ans auprès de victimes des attentats du 13 novembre 2015, dont une partie souffre de trouble de stress post-traumatique.

EN IRAN, UNE THÉOLOGIENNE MUSULMANE CONTRE LE VOILE PAR DELPHINE MINOUI

Sedigheh Vasmaghi combat les mollahs sur leur propre terrain et estime que le code vestimentaire imposé par la République islamique n’a rien de religieux. La chercheuse de 63 ans l’a payé de sa liberté. Delphine Minoui a recueilli ses dernières confidences avant son arrestation.


À PROPOS DE KOMETA

Créée par d’anciens membres de la revue XXI, dont Léna Mauger, rédactrice en chef, KOMETA se consacre à analyser notre monde à partir d’un nouveau regard : celui des pays de l’Est.

Une trajectoire éditoriale unique qui inscrit ses contenus dans une réflexion du temps long à la croisée du journalisme politique et littéraire illustrée notamment par un texte inédit d’Emmanuel Carrère, parti sur les traces de sa cousine Salomé Zourabichvili, présidente de la Géorgie.

L’engagement des fondateurs repose également sur l’hybridité de leur modèle économique qui s’appuie sur deux leviers :
– Un modèle classique : la vente de la revue en librairie ou par abonnements, renforcée par des campagnes de dons numériques
– Des actions philanthropiques en vue de soutenir financièrement et d’accompagner des artistes/auteurs menacés et en exil

Ses cinq fondateurs et fondatrices sont basés entre Florence, Genève, Marseille et Paris.

Léna Mauger est journaliste, directrice de collection aux Éditions Stock. Elle a été rédactrice en chef de la revue XXI et de 6Mois. Elle est la rédactrice en chef de Kometa.

Perrine Daubas est spécialisée dans le développement des médias et des ONG. Elle a été directrice du développement et de la communication de Reporters sans frontières, directrice exécutive de la revue La Déferlante. Elle est directrice générale de Kometa.

Serge Michel est journaliste et rédacteur en chef du média suisse Heidi. news. Prix Albert Londres, il a créé le Bondy Blog et a été directeur adjoint du Monde. Il est le directeur de la publication de Kometa.

Paolo Woods est photographe et réalisateur. Fondateur du collectif Ri- verboom, directeur artistique du festival Cortona the Move, son travail est publié dans la presse internationale. Il est le directeur photo de Kometa.

Grégory Rozières est journaliste et pilote des projets d’innovation éditoriale au Temps. Il est directeur du développement numérique de Kometa.

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N°3 – Fabriquer l’oubli

INFOS PRATIQUES

05 juin 2024

Attachée de Presse
ag@alinagurdiel.com

Assistante Presse
marie@alinagurdiel.com

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